Difference between revisions of "Courtine d'autel"

From OrnaWiki
Jump to: navigation, search
Line 16: Line 16:
  
 
== Origines et développements ==
 
== Origines et développements ==
Les courtines d'autel ont une origine ancienne. On constate leur utilisation en occident dès le 8e siècle, même si leur utilisation est restreinte à Rome dans un premier temps. À l’origine les rideaux étaient au nombre de quatre (''tetravela''). L’abbé J. Malet les évoque à propos des basiliques latines : ''Entre ces colonnes'' [du ciborium], […] ''on adaptait des rideaux ou courtines d’étoffes ordinairement très riches, que l’on tenait fermées à certains moments du saint sacrifice. Ces courtines, au nombre de quatre, s’appelaient pour cela ''tetravela'' (''τετρα'', quatre, et ''velum'', voile). Anastase le bibliothécaire, dans maints endroits de ses ouvrages, ''mentionne bon nombre de ciboria et de courtines, donnés par les Papes à diverses églises de Rome.'' […] ''Ne pourrait-on pas voir encore dans ces rideaux entourant l’autel un usage emprunté aux Juifs, dont le Saint des Saints était séparé des autres paries du temple par un immense voile''.
 
  
L’usage des ''tetravela'' à Rome est attesté jusqu’au 13e siècle. Ils disparaissent ensuite au profit de deux rideaux placés sur les côtés de l’autel. Ces courtines sont très courantes dans le nord de l’Europe aux 14e, 15e et 16e siècles. Puis elles tombent ensuite en désuétude et leur usage se réduit, même si elles semblent se maintenir dans certaines régions jusqu'au 17e siècle (voir infra, Synode de Saint-Omer). Elles sont encore rarement présentes dans certaines églises au 18 siècle, comme en témoignent certaines représentations (voir ci-contre l’estampe de Kleber).  
+
Les courtines d'autel ont une origine ancienne. Les premières mentions de leur utilisation en occident datent du 8e siècle, même si leur utilisation est restreinte à Rome dans un premier temps. À l’origine les rideaux étaient au nombre de quatre (''tetravela''). L’abbé J. Malet décrit ainsi leur présence dans les basiliques latines : ''Entre ces colonnes'' [du ciborium], […] ''on adaptait des rideaux ou courtines d’étoffes ordinairement très riches, que l’on tenait fermées à certains moments du saint sacrifice. Ces courtines, au nombre de quatre, s’appelaient pour cela ''tetravela'' (''τετρα'', quatre, et ''velum'', voile). Anastase le bibliothécaire, dans maints endroits de ses ouvrages, ''mentionne bon nombre de ciboria et de courtines, donnés par les Papes à diverses églises de Rome.'' […] ''Ne pourrait-on pas voir encore dans ces rideaux entourant l’autel un usage emprunté aux Juifs, dont le Saint des Saints était séparé des autres paries du temple par un immense voile ?''.
 +
 
 +
L’usage des ''tetravela'' à Rome est attesté jusqu’au 13e siècle. Il disparaît ensuite au profit de deux rideaux placés sur les côtés de l’autel : les courtines. Absentes des textes prescriptifs et des cérémoniaires jusqu'au 13e siècle, l'usage des courtines se répand au nord de l'Europe aux 14e, 15e et 16e siècles, ainsi qu'en témoignent de nombreuses représentations iconographiques. Les courtines tombent progressivement en désuétude à partir de la seconde moitié du 16e siècle. Leur usage semblent néanmoins se maintenir dans certaines régions jusqu'au 18e siècle (voir infra, Synode de Saint-Omer et, ci-contre, l’estampe de Kleber).  
  
 
Leur progressive disparition est sans doute due à mettre au compte de la diffusion des autels monumentaux. C'est ce qu'indique l'abbé Thiers (cité par l'abbé Malet, p. 62) : "La vérité est qu'en plusieurs églises, tant séculières que régulières, les principaux autels ont des voiles au côté droit et au côté gauche ; mais ils n'en ont ni au devant ni au derrière, parce qu'au derrière il y a des retables, des tableaux ou des images en relief, et que le devant est entièrement ouvert, si ce n'est qu'en carême on y met ces voiles […]".  
 
Leur progressive disparition est sans doute due à mettre au compte de la diffusion des autels monumentaux. C'est ce qu'indique l'abbé Thiers (cité par l'abbé Malet, p. 62) : "La vérité est qu'en plusieurs églises, tant séculières que régulières, les principaux autels ont des voiles au côté droit et au côté gauche ; mais ils n'en ont ni au devant ni au derrière, parce qu'au derrière il y a des retables, des tableaux ou des images en relief, et que le devant est entièrement ouvert, si ce n'est qu'en carême on y met ces voiles […]".  
  
 
== Typologie ==
 
== Typologie ==
 +
Selon l'abbé Malet, avec la disparition progressive du ciborium, ''l'autel reste entourés de grands voiles ou courtines; mais les tringles, auxquels ils seront suspendus, seront désormais scellées dans quatre ou six colonnes plus espacées que celles du ''ciborium'' et ne portant sur leur chapiteau, à la place du dôme, que des statuettes d'anges, tenant elles-mêmes dans leurs mains ou des chandeliers ou encore les instruments de la Passion'' (page 61). Il cite en exemple l'église abbatiale de Saint-Denis, les anciens autels de Notre-Dame de Paris et de la Cathédrale d'Amiens.
 +
 
On place les courtines tant à l’autel principal qu’aux autels latéraux (à la différence des ''tetravela'', qui étaient seulement installés au maître autel). Si un mur est présent sur le côté de l’autel, un seul rideau suffit. Parfois, un troisième rideau prend place à l’arrière de l’autel. Les anglais l’appellent ''dossal''. Chez Charles du Fresne du Cange (1610-1688), on trouve sous les termes ''Dorsale, Dossal, Dossellus, Doxale, Dorsile''… de nombreuses mentions d’éléments textiles, en particulier pour revêtir l’arrière de l’autel.
 
On place les courtines tant à l’autel principal qu’aux autels latéraux (à la différence des ''tetravela'', qui étaient seulement installés au maître autel). Si un mur est présent sur le côté de l’autel, un seul rideau suffit. Parfois, un troisième rideau prend place à l’arrière de l’autel. Les anglais l’appellent ''dossal''. Chez Charles du Fresne du Cange (1610-1688), on trouve sous les termes ''Dorsale, Dossal, Dossellus, Doxale, Dorsile''… de nombreuses mentions d’éléments textiles, en particulier pour revêtir l’arrière de l’autel.
Les rideaux sont accrochés soit à des tringles placées entre des colonnes en bois, métal ou pierre (surtout à l’autel majeur), soit à des bras (parfois escamotables, pour les autels secondaires). Ils sont parfois attachés au retable.
+
Les rideaux sont accrochés soit à des tringles placées entre des colonnes en bois, métal ou pierre (surtout à l’autel majeur), soit à des bras (parfois escamotables dans le cas des autels secondaires). Ils sont parfois attachés au retable.
 
 
Selon l'abbé Malet, avec la disparition progressive du ciborium, ''l'autel reste entourés de grands voiles ou courtines; mais les tringles, auxquels ils seront suspendus, seront désormais scellées dans quatre ou six colonnes plus espacées que celles du ''ciborium'' et ne portant sur leur chapiteau, à la place du dôme, que des statuettes d'anges, tenant elles-mêms dans leurs mains ou des chandeliers ou encore les instruments de la Passion'' (page 61). Il cite l'église abbatiale de Saint-Denis, les anciens autels de Notre-Dame de Paris et de la Cathédrale d'Amiens.
 
  
 
Les courtines, en général assez simples, peuvent être de couleurs variées et très brillantes et ouvragées, parfois couvertes de riches dessins, de figures, de sujets tissés ou brodés (Malet, p. 62).
 
Les courtines, en général assez simples, peuvent être de couleurs variées et très brillantes et ouvragées, parfois couvertes de riches dessins, de figures, de sujets tissés ou brodés (Malet, p. 62).
 
  
 
== Textes normatifs ==
 
== Textes normatifs ==
Line 38: Line 38:
 
* Synode de Liège, 1287 : ''Cortinae a lateribus altaris utrimque appendatur, nec ab aliquo tempore Sacrificii retrahantur'' (Source : ''Concilia Germaniae'', vol. 3, p. 691).
 
* Synode de Liège, 1287 : ''Cortinae a lateribus altaris utrimque appendatur, nec ab aliquo tempore Sacrificii retrahantur'' (Source : ''Concilia Germaniae'', vol. 3, p. 691).
  
* Synode de Saint-Omer, 1640 : demande que ce point soit inspecté au cours des visites d’églises.  
+
* Synode de Saint-Omer, 1640 : on demande à ce que ce point soit inspecté au cours des visites d’églises.  
  
 
== Autres dénominations ==
 
== Autres dénominations ==

Revision as of 08:27, 26 May 2020

Messe de Saint-Grégoire du Missel d'Utrecht, 1426-1450, © IRPA, Bruxelles, cliché Z011684
Maître du retable de saint Barthélemy, Messe de Saint-Grégoire, ca. 1535 (détail) © IRPA, Bruxelles, cliché X003035
Vitrail de Lichtfield provenant de l'ancienne abbaye d'Herkenrode. Détail représentant Jean de Hornes, 1532-1539 © IRPA, Bruxelles, cliché X027105
Ignace Sébastien KLAUBER, L’adoration du saint Sacrement, 2e moitié du 18e siècle © IRPA, Bruxelles, cliché M165554


Étymologie

< lat. cortina, « rideau », « voile » (Isidore de Séville, Originum libri, 19, 26, 9 ; Saint Ambroise, Epistulae, 20,24, cités par Gaffiot, p. 435). Isidore de Séville est cité par le lexicologue Niccolò Perotti : Dictae autem cortinae a coreis, eo quod prius ex pellibus fuissent factae (Charlet, p. 358).

Définition

Ensemble de rideaux délimitant l’espace autour d’un autel. La courtine est suspendue à un ciborium ou à un porte-courtines. Elle est généralement placée de chaque côté de l’autel et parfois derrière celui-ci.

Hiérarchie

Origines et développements

Les courtines d'autel ont une origine ancienne. Les premières mentions de leur utilisation en occident datent du 8e siècle, même si leur utilisation est restreinte à Rome dans un premier temps. À l’origine les rideaux étaient au nombre de quatre (tetravela). L’abbé J. Malet décrit ainsi leur présence dans les basiliques latines : Entre ces colonnes [du ciborium], […] on adaptait des rideaux ou courtines d’étoffes ordinairement très riches, que l’on tenait fermées à certains moments du saint sacrifice. Ces courtines, au nombre de quatre, s’appelaient pour cela tetravela (τετρα, quatre, et velum, voile). Anastase le bibliothécaire, dans maints endroits de ses ouvrages, mentionne bon nombre de ciboria et de courtines, donnés par les Papes à diverses églises de Rome. […] Ne pourrait-on pas voir encore dans ces rideaux entourant l’autel un usage emprunté aux Juifs, dont le Saint des Saints était séparé des autres paries du temple par un immense voile ?.

L’usage des tetravela à Rome est attesté jusqu’au 13e siècle. Il disparaît ensuite au profit de deux rideaux placés sur les côtés de l’autel : les courtines. Absentes des textes prescriptifs et des cérémoniaires jusqu'au 13e siècle, l'usage des courtines se répand au nord de l'Europe aux 14e, 15e et 16e siècles, ainsi qu'en témoignent de nombreuses représentations iconographiques. Les courtines tombent progressivement en désuétude à partir de la seconde moitié du 16e siècle. Leur usage semblent néanmoins se maintenir dans certaines régions jusqu'au 18e siècle (voir infra, Synode de Saint-Omer et, ci-contre, l’estampe de Kleber).

Leur progressive disparition est sans doute due à mettre au compte de la diffusion des autels monumentaux. C'est ce qu'indique l'abbé Thiers (cité par l'abbé Malet, p. 62) : "La vérité est qu'en plusieurs églises, tant séculières que régulières, les principaux autels ont des voiles au côté droit et au côté gauche ; mais ils n'en ont ni au devant ni au derrière, parce qu'au derrière il y a des retables, des tableaux ou des images en relief, et que le devant est entièrement ouvert, si ce n'est qu'en carême on y met ces voiles […]".

Typologie

Selon l'abbé Malet, avec la disparition progressive du ciborium, l'autel reste entourés de grands voiles ou courtines; mais les tringles, auxquels ils seront suspendus, seront désormais scellées dans quatre ou six colonnes plus espacées que celles du ciborium et ne portant sur leur chapiteau, à la place du dôme, que des statuettes d'anges, tenant elles-mêmes dans leurs mains ou des chandeliers ou encore les instruments de la Passion (page 61). Il cite en exemple l'église abbatiale de Saint-Denis, les anciens autels de Notre-Dame de Paris et de la Cathédrale d'Amiens.

On place les courtines tant à l’autel principal qu’aux autels latéraux (à la différence des tetravela, qui étaient seulement installés au maître autel). Si un mur est présent sur le côté de l’autel, un seul rideau suffit. Parfois, un troisième rideau prend place à l’arrière de l’autel. Les anglais l’appellent dossal. Chez Charles du Fresne du Cange (1610-1688), on trouve sous les termes Dorsale, Dossal, Dossellus, Doxale, Dorsile… de nombreuses mentions d’éléments textiles, en particulier pour revêtir l’arrière de l’autel. Les rideaux sont accrochés soit à des tringles placées entre des colonnes en bois, métal ou pierre (surtout à l’autel majeur), soit à des bras (parfois escamotables dans le cas des autels secondaires). Ils sont parfois attachés au retable.

Les courtines, en général assez simples, peuvent être de couleurs variées et très brillantes et ouvragées, parfois couvertes de riches dessins, de figures, de sujets tissés ou brodés (Malet, p. 62).

Textes normatifs

Il n'y a pas d’obligations, mais la courtine d'autel est conseillée par de nombreux synodes (Cologne 1280, Münster 1279, Liège 1287, Cambrai ca. 1300).

  • Synode de Cologne, 1280 : Cortinae in lateribus altaris utriusque appendatur nec in aliquo tempore sacrificii retro trahantur (Braun, 1924, p. 199)
  • Synode de Liège, 1287 : Cortinae a lateribus altaris utrimque appendatur, nec ab aliquo tempore Sacrificii retrahantur (Source : Concilia Germaniae, vol. 3, p. 691).
  • Synode de Saint-Omer, 1640 : on demande à ce que ce point soit inspecté au cours des visites d’églises.

Autres dénominations

Voiles d'autel.

Autres langues
NL altaargordijn
EN riddel, altar curtains
DE Altarvelen
IT cortina d’altare
ES terme ES
Langues anciennes
Latin tetravela, cortina
Ancien français $$


BALaT

Les courtines d'autel (1400-1700) dans BALaT - Photothèque

Représentations de courtines d'autel (1400-1700) dans BALaT - Photothèque

Les courtines d'autel dans BALaT - Bibliothèque

Fichiers liés

Courtine d'autel, fiche du thésaurus : Dernière modification le 5-3-2020.

Bibliographie

  • Joseph Braun, Der christliche Altar in seiner geschichtlichen Entwicklung, t. II, Die Ausstattung des Altars, Antependien, Velen, Leuchterbank, Stufen, Ciborium und Baldachin, Retabel, Reliquien- und Sakramentsaltar, Altarschranken, Munich, 1924, p. 134-147
  • Jean-Louis Charlet, La correspondance philologique de Niccolò Perotti, Edition critique, traduction et commentaires, 2018.
  • J. Malet, « Essai sur les autels », Revue de l'art Chrétien, 23e année, 2e série t. 11 (38e de la collection), 1879, p. 53 et 61-62.
  • Jean-Baptiste Thiers, Dissertations ecclésiastiques sur les principaux autels des églises, les jubés des églises, la clôture du choeur des églises, Paris 1688 (chapitre 19).