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Latest revision as of 12:05, 21 November 2021
Chasuble de David de Bourgogne, évêque d’Utrecht
Objets IRPA : 10073985 (Clichés irpa KN006101 à KN006113)
Provenance : vraisemblablement ancienne cathédrale Saint-Lambert de liège
Institution : Liège, Trésor de la cathédrale Saint-Paul
Dimensions : 133 X 102 cm
Datation : épiscopat de David de Bourgogne : 1456 -1483
Lieu de production : Pays-Bas méridionaux
Cette chasuble ayant appartenu à David de Bourgogne est réalisée dans un velours rouge et doré à motifs végétaux stylisés, à l’avant et à l’arrière duquel se déploient les orfrois brodés en forme de croix fourchée. Ces orfrois comptent onze scènes de la passion du Christ situées dans une architecture gothique et sont brodées selon la technique de la « peinture à l’aiguille ».
Plusieurs caractéristiques de cette chasuble en font une pièce d’exception. Ses dimensions peu communes malgré des retouches en longueur et en largeur, la richesse des matériaux, la qualité de l’exécution du travail, la renommée des peintres qui ont dessiné les cartons, le prestige du commanditaire-donateur.
Contents
- 1 Le tissu de fond : un velours vénitien du XVe siècle
- 2 La forme et les dimensions de la chasuble
- 3 Les orfrois réalisés d’après les cartons de Memling (ou suiveurs)
- 4 La très haute qualité du travail de broderie
- 5 Un commanditaire-donateur prestigieux : David de Bourgogne
- 6 Pièces à mettre en lien avec la chasuble
- 7 Bibliographie
- 8 Chasuble de David de Bourgogne en 3D
Le tissu de fond : un velours vénitien du XVe siècle
Le tissu de fond est composé d’un très riche velours rouge vénitien daté du XVe siècle. Ce velours, appelé velluto allucialato, façonné à plusieurs hauteurs de poils et parsemé de bouclettes d’or, est mis en évidence sur un fond plat tissé d’or. Le travail du velours fait ressortir la profondeur des différents champs et les touches d’or font scintiller la parure (1).
D’abord produits à Lucques, avant Venise et Gênes, le répertoire décoratif de ces velours exige une très grande maîtrise. Ces tissus très onéreux habillaient aussi les souverains, les nobles et les riches bourgeois qui affichaient de cette manière leur richesse et leur prestige. Les ornements liturgiques ont été mieux préservés que les vêtements civils, davantage soumis aux caprices de la mode et il en reste plusieurs exemplaires, parmi lesquels les autres pièces de l’ornement dont cette chasuble fait partie, conservé au Catherijnconvent d’Utrecht (2).
Si les étoffes laïques ont disparu, la richesse de ces tissus de fond a largement inspiré les artistes flamands et italiens qui les ont représentés dans leurs œuvres. Peintres, miniaturistes, liciers, brodeurs et sculpteurs se sont inspirés de ces motifs pour les décors ou vêtements des personnages. Van Eyck revêt le chancelier Rolin d’un manteau inspiré de ce motif (1435) (3) , et les anges musiciens du polyptique de l’Agneau Mystique (1430) (4). Le portrait d’Isabelle de Portugal, épouse de Philippe le Bon, peint vers 1450 par Rogier Van der Weyden la montre également dans une robe faite dans une telle étoffe (5). Petrus Christus et Hans Memling ont aussi été inspirés par ces riches décors (6). On peut multiplier les exemples (7).
Ces étoffes étaient importées dans les Pays-Bas par de riches marchands italiens, les Arnolfini ou les Portinari car on n’a jamais pu produire de soie sous nos latitudes.
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- (1) Françoise Pirenne-Hulin, Splendeur de l’art textile à Liège. Soie, or et argent à la cathédrale et regard sur la tapisserie, Paris, Fr. Pirenne-Hulin éd., 2017, p. 33, 73 et 75 ; Elisabeth Hardouin-Fugier, Bernard Berthod et Martine Chavent-Fusaro, Les étoffes. Dictionnaire historique, Paris, Les Éditions de l’amateur, 1994, p. 402 ; Daniel De Jonghe, « Analyse technologique du velours », in Jean-Marie Cauchies, Albert Houssiau et Françoise Pirenne, « La chasuble de David de Bourgogne » in Feuillets de la Cathédrale de Liège, n° 61-68, 2002, p. 50-51.
- (2) Voir pièces liées.
- (3) La Vierge au chancelier Rolin, Musée du Louvre.
- (4) Polyptique de l’Agneau Mystique, Gand, Cathédrale Saint-Bavon.
- (5) Isabelle de Portugal, Los Angeles, Paul Getty Museum, inv. 78.PB.3.
- (6) Petrus Christus, Saint Éloi, 1449, New-York, Metropolitan Museum; Hans Memling, Triptyque de Saint Jean-Baptiste et de Saint Jean l’Évangéliste, ca 1475, Bruges, Hôpital Saint-Jean.
- (7) Françoise Pirenne-Hulin, op. cit., p. 35-36.
La forme et les dimensions de la chasuble
La chasuble mesure 133 cm de haut sur 102 cm de large.
La forme de la chasuble évolue considérablement au cours des siècles et ne se fixe qu’au Concile de Trente (1542 – 1563). Il faut encore attendre de nombreuses années pour que les liturgistes fixent définitivement sa forme et ses dimensions (8). Cette pièce est confectionnée à un moment charnière. Les restaurations et analyses ont montré qu’elle a subi rétrécissement(s) et raccourcissement(s) à une ou plusieurs époques inconnues. Au moment de sa fabrication, la largeur diminue, surtout si le poids de la pièce est important, ce qui est le cas ici. Le célébrant peine en effet lors de l’Élévation et doit être assisté. On voit dans les représentations des Messes de Saint-Grégoire, entre autres, que les diacres soulèvent le bas de la chasuble et que le tissu se replie sur les épaules. Dans le cas de la chasuble de David de Bourgogne, les épaules restent entravées et la raideur des différentes épaisseurs doit rendre l’opération particulièrement éprouvante.
Après le Concile de Trente, la taille des chasubles diminue notablement. Elles mesurent rarement plus de 110 cm de long et 70/75 cm de large. Elles prennent la forme dite de « boîte à violon », qui dégage bien les épaules.
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- (8) Voir à ce sujet les recommandations de Charles Borromée concernant la chasuble dans son Pastoral. Giovanni Battista Constanzi, Le pastoral de saint Charles Borromée, ou Avis aux curés et aux autres pasteurs des âmes, tirés des Actes de l'Église de Milan, & des maximes de saint Charles, Lyon, Pierre Bruyset Ponthus 1768, p. 551-552. [1], le 01/01/2019
Les orfrois réalisés d’après les cartons de Memling (ou suiveurs)
Onze orfrois de facture flamande, de 32,5 sur 14 cm représentent onze scènes de la Passion du Christ. L’hypothèse selon laquelle les cartons de Hans Memling auraient servi de base aux brodeurs dans la réalisation des scènes minutieuses dans un cadre architectural gothique ne repose sur aucun document d’archive. Cependant, on sait que Memling était un artiste très prisé à la cour de Bourgogne. David de Bourgogne a sans doute eu des relations étroites avec Charles le Téméraire, son demi-frère. Ils faisaient partie de la même confrérie religieuse de l’église Notre-Dame à Bruges.
Les arguments les plus probants se trouvent dans les qualités esthétiques qui se dégagent des tableaux, particulièrement la cohérence et l’unité de la composition, la manière dont l’artiste, loin d’être gêné par l’étroitesse des panneaux, a pu tirer parti de l’espace dont il disposait.
Chaque scène est représentée dans un décor architectural gothique : un portail en léger relief formé d’un arc en plein cintre sur piliers fasciculés à bases prismatiques ouvre sur un espace tridimensionnel. L’effet de profondeur est suggéré par un carrelage, bi ou tricolore et un plafond aux clés pendantes, alternativement rouge et bleu.
Dans chaque compartiment, les personnages évoluent devant une courtine dorée à chevrons qui referme la scène. La figure du Christ est centrale : il est entouré des autres personnages qui animent la scène par leurs mouvements variés. Les traits sont le plus souvent indifférenciés et les tenues vestimentaires sont contemporaines ou archaïsantes. Les tenues des soldats, par exemple, sont celles des troupes bourguignonnes. L’intensité dramatique est suggérée par les attitudes des personnages plutôt que par les physionomies.
On peut citer deux tableaux en particulier dont les scènes peuvent présenter des similitudes avec les tableaux des orfrois. Scènes de la Passion du Christ est un tableau de dimensions réduites (56 X 92 cm), commandé par Tommaso Portinari probablement comme œuvre de dévotion destinée à sa chapelle personnelle dans l’église Saint-Jacob de Bruges vers 1470. Il comporte 23 scènes de la vie du Christ dont 19 de sa Passion (9). On retrouve le même style narratif chez Memling dans un autre tableau, Avènement et Triomphe du Christ ou Sept joies de la Vierge, composé vers 1480 pour le retable de la chapelle de la guilde des tanneurs de l’église Notre-Dame de Bruges (10).
Les onze scènes brodées représentent : à l’avant de bas en haut : l’Entrée du Christ à Jérusalem, la Dernière Cène, le Christ au Mont des Oliviers (renouvelé complètement au XIXe siècle). Ensuite, de part et d’autre, sur les traverses de la croix, Jésus devant Pilate et la Flagellation surmontés des emblèmes de David de Bourgogne : la boîte à amadou, coffret de bois à couvercle coulissant contenant des mèches inflammables, entourée de flammes et associée à sa devise AlteitBereit, « Toujours prêt ».
Au dos, les branches des orfrois montrent à gauche le Couronnement d’Épines et à droite le Portement de Croix, au-dessus des armoiries de David de Bourgogne, disposées en registres triangulaires à l’endroit où les fourches rejoignent la traverse verticale de la Croix. Au centre, de haut en bas, on trouve la Crucifixion, d’une grande intensité dramatique. La pâleur du corps du Christ met en évidence sa fragilité humaine. Suivent la Descente de Croix, la Mise au Tombeau et la Résurrection.
Les orfrois de la chasuble reprennent fidèlement le cycle de la passion, tel qu’il est illustré dans les retables rhéno-mosans de la fin du XIVe au début du XVIe siècle (11).
C’est ce pan de la chasuble que voyaient les fidèles durant la célébration puisque, jusqu’au Concile de Vatican II (1962-1965), le célébrant officiait dos aux fidèles.
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- (9) Aujourd’hui conservé à Turin, Galerie Sabauda.
- (10) Munich, Alte Pinakothek.
- (11) Albert Houssiau, « Note d’iconographie chrétienne », in Jean-Marie Cauchies, Albert Houssiau et Françoise Pirenne, « La chasuble de David de Bourgogne » in Feuillets de la Cathédrale de Liège, n° 61-68, 2002, p. 47- 49.
La très haute qualité du travail de broderie
La qualité artistique des orfrois est non seulement due au(x) peintre(s) qui ont réalisé des compositions d’une grande expressivité mais aussi aux brodeurs qui ont transposé les scènes dans la technique de la « peinture à l’aiguille », ainsi que de la technique de la broderie au fil d’or et d’argent en faisant preuve d’une grande maîtrise. C’est sous les Bourguignons que cette technique connaît son apogée.
Le travail des orfrois est réalisé en couchure de fils métalliques, d’or ou d’argent. Les fils métalliques étaient obtenus en enroulant des lamelles d’or ou d’argent autour d’une âme de soie, blanche pour l’argent et jaune pour l’or. Les fils métalliques étaient ensuite couchés et tendus en nappes horizontales, verticales, obliques ou enroulés sur le tissu et fixés deux à deux (à deux bouts assemblés) par de la soie. Cette soie de fixation permet de nombreuses variations dans le dessin, grâce à la couleur utilisée, aux intervalles et à la disposition des points de fixation. Pour les décors, le brodeur peut jouer sur les motifs pour obtenir des chevrons, des losanges et, par un jeu de couleurs, obtenir de qu’on appelle des « bâtons rompus ». Les personnages sont réalisés grâce à la technique de l’or nué, appelée aussi broderie au glacis. Le glacis est utilisé en peinture pour faire transparaitre les fonds et les couches de couleur. En broderie, il s’agit d’un jeu d’ombres et de lumière dans lesquels l’ombre se traduit par une couverture plus dense des fils de soie colorés, de façon que l’or recouvert ne filtre que discrètement ; et la lumière de l’or éclate quand les fils d’accroche s’écartent, deviennent presqu’invisibles.
Les cadres architecturaux sont travaillés séparément des personnages et réalisés de manière identiques. Les personnages étaient brodés séparément sur la toile puis rapportés dans le décor. Ils sont travaillés au point passé, ou au point fendu. Le point passe au travers de l’étoffe et en ressort au travers du point précédent, ce qui permet des dégradés de couleur d’une extrême finesse. Ce point est très souvent utilisé pour réaliser les traits des personnages (12). Le brodeur dispose d’une grande variété de points lui permettant de produire tous les effets désirés (13).
Un commanditaire-donateur prestigieux : David de Bourgogne
La chasuble est selon la tradition un don de David de Bourgogne, fils naturel de Philippe le Bon et évêque d’Utrecht de 1456 à 1483. Elle provient vraisemblablement de l’ancienne cathédrale Saint-Lambert de Liège dont les inventaires renseignent la présence de très riches ornements, sans qu’on puisse l’identifier avec certitude. La pièce lui a certainement appartenu : elle porte ses armoiries et sa devise et appartient à un ensemble conservé à Utrecht dont il était l’évêque (voir infra). Pour quelle raison le prélat aurait-il offert une telle pièce à Liège ?
Il était d’usage de faire de tels cadeaux pour s’attirer la bienveillance et l’amitié du destinataire. Vers 1467, Charles le Téméraire offre des ornements liturgiques illustrant la vie de saint Lambert au chapitre de la cathédrale de Liège, et des ornements illustrant la vie de saint Servais à Maastricht. Marie de Bourgogne offre une somme d’argent pour confectionner des ornements liturgiques ornés de son blason et de sa devise « En vous me Fye », pour l’église Notre-Dame de Bruges. Il est possible que le don de cette chasuble soit un simple présent de bon voisinage du prélat d’Utrecht à son voisin le prince-évêque de Liège, Louis de Bourbon, qui appartenait à sa parentèle. Une autre hypothèse plus politique est souvent évoquée : son demi-frère, Charles le Téméraire avait mis à sac la ville de liège en 1468. Il se peut que ce présent soit une manifestation de la désapprobation de David de Bourgogne et une marque de solidarité envers les Liégeois. Léon Dewez, ancien conservateur du trésor de Liège, avait avancé une troisième hypothèse. En 1482, le prince-évêque Louis de Bourbon décède et la lutte pour la succession est vive, entre Jacques de Croÿ, proche de la famille de Philippe de bourgogne, et Jean de la Marck. Il n’est pas impossible que David d’Utrecht ait tenté d’influencer le choix du chapitre de Saint-Lambert par ce don somptueux. À ce stade aucune hypothèse n’est privilégiée (14).
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- (12) Françoise Pirenne-Hulin, « La chasuble de David de Bourgogne, un chef-d’œuvre de l’art textile », in Jean-Marie Cauchies, Albert Houssiau et Françoise Pirenne, « La chasuble de David de Bourgogne » dans Feuillets de la Cathédrale de Liège, n° 61-68, 2002, p. 40-41.
- (13) Françoise Pirenne-Hulin, Splendeur de l’art textile à Liège, p. 74.
- (14) Françoise Pirenne-Hulin, « La chasuble de David de Bourgogne, un chef-d’œuvre de l’art textile », p. 25.
Pièces à mettre en lien avec la chasuble
La chasuble est présentée à Liège avec l’étole assortie.
Elle faisait partie d’un ensemble comprenant une chape, deux dalmatiques et les accessoires conservés au Musée Catherijnconvent à Utrecht, et une chasuble supplémentaire. La chasuble est la pièce qui s’use le plus dans un ensemble et il n’est pas inhabituel d’en faire fabriquer une seconde. Toutes les pièces sont taillées dans le même tissu de velours et fonds doré, orné de la pomme grenade (15) et leur fabrication date du dernier quart du XVe siècle. Chaque pièce porte les armoiries de David de Bourgogne et sa devise. Les orfrois sont brodés de scènes testamentaires et de saints (16). Une description de l’ensemble est publiée dans le catalogue de l’exposition qui a eu lieu en 2015 : Middeleeuwse borduurkunst uit de Nederlanden (17).
D’autres ornements aux orfrois brodés sont conservés dans nos régions, mais ils sont souvent de moindre qualité. On peut cependant signaler la présence à Lichtaart, commune de Kasterlee, en province d’Anvers, d’une chasuble et deux dalmatiques dans l’église Notre-Dame. Le tissu de fond est très proche. La chasuble a été retaillée aux dimensions prescrites par les liturgistes tridentins. Elle est moins large et échancrée aux épaules. Les orfrois représentent une crucifixion, le couronnement de Marie et une sainte, Ursula de Cologne (objet IRPA 32993).
Les orfrois des deux dalmatiques (Objets IRPA 32988 et 32989) présentent des apôtres et des saints.
Les orfrois sont antérieurs à ceux de la chasuble de David de Bourgogne. Ils sont brodés d’or, d’argent et de fils de soie mais n’ont pas la richesse ni la finesse de la chasuble de David de Bourgogne. Le style et la technique des broderies sont très différents, on ne peut déceler aucune parenté avec l’œuvre de peintres contemporains. Le travail de broderie est plus sommaire et de moindre qualité. Ce qui fait son intérêt est sa grande valeur décorative. Les fonds des compartiments sont travaillés en soie bleue, au point fendu et rehaussés de fleurs disposées en quinconce au filé d’or maladroitement fixés. Sur ce fond on a appliqué les personnages en « taillure » (18).
Les fins fils d’or du manteau de la Vierge sont attachés par de trop rares fils de soie brune et se détachent. Les chairs des visages du Christ et des personnages, brodés sommairement, sont fortement usés et laissent voir la toile de fond. Dans ce cas, c’est la rareté et l’originalité du décor qui font l’intérêt et le caractère unique de la pièce. Le Christ est entouré d’aigles porteurs de phylactères et de cadenas. La Vierge, au centre des rayons lumineux est éclatante de lumière. Une autre qualité de cet ensemble est que le velours ciselé italien et les orfrois sont de la même époque et n’ont subi aucune transformation, hormis le raccourcissement de la chasuble qui a entrainé la mutilation du registre inférieur de la chasuble.
On peut aussi citer d’autres exemples, dont le fond et/ou les orfrois sont moins bien conservés. Le velours italien et le fond plat tissé d’or s’usent et se décolorent mais qui devaient être aussi riches lors de leur création. Les orfrois n’étaient pas toujours en or nué : le prix ne le permettait pas toujours. Les soies polychromes permettaient à d’habiles brodeurs de jouer avec les couleurs et les techniques de broderies permettaient d’obtenir les effets recherchés. Tous les commanditaires non plus n’ont pu se permettre de faire appel à des peintres ou artistes de renom pour réaliser les compositions des ornements.
Nous citerons ici quelques exemples d’ornements qui présentent ce type de fond de velours italien (liste non exhaustive) :
- À Bruges, une chape, Kathedraal Sint-Salvator (objet IRPA 90086)
- À Bruxelles, une chape, MRA (objet IRPA 20048946)
- À Bouvignes (Dinant), église Saint-Lambert, un ensemble en velours (de Gênes ?) comprenant une chape (objet IRPA 10090146), une chasuble aux orfrois abimés et fort restaurés (objet IRPA 10090148) et une dalmatique (objet IRPA 10090151). Les orfrois de la chape se retrouvent à l’identique sur une chape de la cathédrale Saint-Aubain à Namur, dont le fond de velours uni est postérieur. Si on ne peut affirmer que les orfrois provenaient du même atelier, ceci démontre que les cartons circulaient entre ateliers.
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- (15) Sauf la chasuble dont la soierie est postérieure et datée du XVIe siècle.
- (16) Micha Leeflang et Kees Van Schooten (dir.), Middeleeuwse Borduurkunst uit de Nederlanden, catalogue d’exposition Het geheim van de Middeleeuwen in gouddraad en zijde, Utrecht, Musée Catherine Convent, du 10 avril au 16 août 2015, Utrecht, Musée Catherine Convent, 2015, p. 194 - 201.
- (17) Ib.
- (18) Broderie fabriquée séparément et appliquée sur le décor où sa place était laissée en réserve.
Bibliographie
- Jean-Marie Cauchies, Albert Houssiau et Françoise Pirenne, « La chasuble de David de Bourgogne » dans Feuillets de la Cathédrale de Liège, n° 61-68, 2002.
- Françoise Pirenne-Hulin, Splendeur de l’art textile à Liège. Soie, or et argent à la cathédrale et regard sur la tapisserie, Paris, Françoise Pirenne-Hulin éd., 2017.
- Élisabeth Hardouin-Fugier, Bernard Berthod et Martine Chavent-Fusaro, Les étoffes. Dictionnaire historique, Paris, Les Éditions de l’amateur, 1994.
Chasuble de David de Bourgogne en 3D
Oeuvre sous la loupe de Mireille Gilbert